23.6.08

The Great Disaster




Septième symphonie. Ludwig Van. Un verre de Chardonnay. Vague piquette. Les mots sont engourdis. Se font et se défont au gré des violons. Au gré de l'orchestre entier. Il abattent les crescendos. Boire seule est un plaisir étrange. la bouteille n'a pas la même physionomie que celle que l'on a posé sur la table basse autour de laquelle les amis se sont amassés. Le vin n'a pas le même goût non plus. Une amertume sous le ciel déjà chaud d'avril. Amère. Amers. Amer. La fenêtre voudrait que je l'ouvre parce que les étoiles crient trop fort. Ode à la nuit. Cahier, bureau, encre et vin face à la nuit déjà erronée par les lumières de la ville, trop fortes. Trop fortes ces lumières qui gâchent la nuit et couvrent ses nuances. Il s'agirait de tout éteindre. La nuit et la symphonie sans plus d'artifice. Deuxième mouvement la nuit se soulève un peu plus. Une mélodie où le souffle se pose respiration changeante selon la phrase. Connaître la symphonie par coeur et se laisser surprendre encore. Agencements improbables. Trouver la mélomanie du verbe.
Je veux que la lune éclaire que les nuages soient visibles. Je veux que les fleuves sortent de leurs lits et que les rivières se déversent en torrents. Je veux les mots sur ces eaux là. Je veux l'océan et ses écumes irrépressibles son ciel changeant son teint grisâtre ou bien azur. Je veux les algues et la vase après la marée. Le vent dans les rouleaux et les rouleaux sur le sable nulle plage. Je veux les soleils d'automne dans le vent frais les vents d'été sur les arbres d'hivers -
ceux qui ont oublié les fruits.
Je veux des villes grouillants et des chemins déserts des plages désafectées des monts qui réfléchissent l'orage. Je veux la course folle des flots la danse tyrannique du vent dans les feuilles mortes à terre déjà. Je veux l'éruption de toutes parts. Que les saisons se confondent à mesure que la mélodie progresse que les violons se mêlent au tambour. Je veux la nudité crue d'un paysage industriel usines désertées sauvages structures métalliques que n'attaquent que la rouille les affres du temps. Je veux la durée fuyante et l'instant palpable, définissable, associé à la marque des souvenirs brûlants. Je veux la chair moite et mouvante la chair si particulière de l'acte qui se construit au fil des scènes qui se confondent. Je veux la chaleur embuée du souffle de l'effort d'un corps sur l'autre. Je veux la rencontre des peaux et l'émotion des sens.
Je veux l'ivresse.
Je veux l'alcool mêlé à l'amour le vin mêlé au corps le corps de l'autre à l'autre pour l'autre à soi pour soi en soi. Vivre cet autre corps au sein de la nuit assez noire pour que des ombres se dessinent encore entre un dos et une jambe. Trouver alors l'ivresse dans les ombres les recoins de lumières sans cesse brouillés retournés malmenés selon la réciprocité des souffles / réciprocité des corps ensemble. Espace faillible retrouver l'océan et ses brumes que les vagues transpercent à la mesure de la puissance du souffle.
Le vent tourne.
Il emporte ciel flots et terres. Inévitablement. Un vaste soulèvement l'univers respire. le vent dans les cheveux les yeux sur l'océan. Je veux la mer déversée et l'écume sur les nuages. Des roses sur les pics et des orties sous les ronces. je veux les nuits solitaires dans la pâleur du jour la lumière vaine du quotidien sous le doux retrait du ciel noir. je veux la nuit et l'encore. Encore. Je veux l'encre noire sur la page blanche que la nuit obscurcisse les soleils qu'on a trop attendus. Je veux l'odeur de la nuit sur le jour irrespirable. Je veux les pianos de Beethoven sous les moteurs des voitures, ses mélodies sur chaque mouvement. La sensation pure d'un bras qui se lève ou d'un oeil qui s'ouvre. Je veux le silence de la main qui fait signe sonore. Je veux les silences mobiles et les sons impassibles. Je veux les notes bouleversées au rythme de la terre sans cesse balayée et emmenée on ne sait où. Je veux les puissances alliées.
Je veux l'émotion pure d'une fleur qui se fane d'une vague qui s'écrase d'un ciel qui se dégage.
(29 Avril)