23.6.08

Les Opposants


III.2

L'océan à nouveau. Il est debout face à l'océan.

Louis
:
Vidé. J'étais vidé, c'est tout. Juste vidé. Je lui ai déversé mon vide dessus. Elle ne pleurait pas. Elle ne respirait plus qu'à peine. Suffoquait. Convulsions. C'est moi qui ai pleuré. D'abord. Changé noyé le vide. En larmes. Un petit garçon qui a fait une grosse bêtise. Les jambes écartées. L'herbe du parc. Arrosée. Là où je lui ai versé mon vide dessus. La quitter en lui disant combien je l'aime combien je l'aimerai TOUJOURS j'ai dis TOUJOURS alors que je ne dis jamais TOUJOURS mais là je l'ai dis là et je le redis encore là parce que je sais bien qu'il y a ce TOUJOURS là et nous nous étreindrons de nouveau parce que TOUJOURS parce que c'est elle je le sais bien parce que ça a TOUJOURS sonné comme ça comme un long et ineffable TOUJOURS l'évidence c'est tout juste l'évidence depuis TOUJOURS pour TOUJOURS et personne n'y peut rien n'y pourra plus rien maintenant plus tard elle ne
me croyait pas je crois elle ne me crois pas elle sait bien au fond que j'ai fait une grosse bêtise elle le sait bien. Séparés volontaires. Et le regret d'elle déjà. Et le manque déjà. Et je sais le regret futur et l'angoisse qu'elle ne veuille plus de moi quand j'aurai fini de verser le vide partout où j'aurai pu le faire quand j'aurai cuvé ma bêtise qu'elle ne veuille plus de moi JAMAIS quand je reviendrai les larmes de l'amoureux qui monteront et me rempliront les yeux jusqu'au coeur pour en combler le vide qui ne sera plus juste à lui sourire de nouveau encore TOUJOURS et arriver à dissoudre ce vide là qui se comblera à nouveau s'emplira à nouveau parce que je sais l'évidence je sais tout ça déjà. De nouveau la regarder encore. Et encore. Les yeux larges. La regarder. Et encore. A nouveau. La découvrir. Encore. Autrement. Avec les yeux de celui qui s'est éloigné parce que le vide devenait étouffant et la rendait opaque je ne la voyais plus le vide épais a fini par dissimuler la tendresse infinie qu'elle seule sait me porter. Je suis vidé parce que l'air a manqué trop manqué sans doute je suffoquais tout entier. Et je sais déjà. Le besoin d'elle comblera ce vide là dont je ne sais déjà plus quoi faire. Elle manquera et le vide s'écoulera. Doucement. Lentement. Des mois sans doute sans elle et recouvrer l'air qui a manqué. Apprendre une nouvelle langue et mieux comprendre la détresse qui rend sourd. La détresse qui interrompt l' irresistible attraction un spectacle désuet s'il n'arrive jamais au coeur ne remonte jamais jusqu'aux mots qui consolent. Apprendre. Laisser le temps au vide de s'écouler de se combler en apprenant. Apprendre parce que c'est TOUJOURS et qu'il faut apprendre. Retrouver plus tard la tendresse. Les caresses le matin elle se réveillait toujours avant moi le vide expirera et c'est moi qui la regarderai le matin en attendant les premières caresses et les premiers baisers le sourire qui traverse le visage de part en part le matin la nuit aura fait son chemin. Il pose le galet et le recouvre d'un peu de sable.

Anna arrive du fond de la scène, elle marche droit. Elle s'arrête à la hauteur de Louis. Ils sont maintenant côte à côte. Elle aussi regarde l'océan.


Anna:
Elle pose le galet et le recouvre d'un peu plus de sable. Je marchais la rue était presque à moi m'amuser à regarder les garçons dans les yeux la cigarette à la bouche. Toi tu es loin et ça n'est pas si grave que je l'aurai pensé parce que je sais que bientôt quelques mois peut-être nous nous étreindrons de nouveau. Alors tu ne manques pas. Le soleil est là bien là et puis c'est tout et puis je traverse le froid bien sec de décembre avec lui. Bientôt avec toi bientôt. Et toi toujours. Alors tu ne manques pas. Et je ne t'attends pas alors. Et le soleil encore sur mes joues poudrées un peu de khôl sur et sous les yeux plus jaunes au soleil où je les imagine briller mes yeux. A nouveau je trouve l'envie d'écrire qui avec toi m'avait quittée. Plein le coeur et le vent léger. Juste suffisant pour se souvenir que c'est l'hiver. Mais tu ne manques pas. Parce que je sais. Parce que bientôt sûrement. Parce que les promesses. Parce que l'envie de les voir un jour se réaliser. Et m'amuser à regarder les garçons dans les yeux la cigarette à la bouche. N'avoir envie d'embrasser personne en particulier voler des baisers plutôt voler des baisers des baisers en multitude des baisers jusqu'à l'ivresse boire aux lèvres des garçons cette douce griserie là qui n'engage à rien sinon à quelques instants. Griseries sourdes et ciel noir de la nuit le soleil encore dans les yeux quelque chose qui pétille de loin en loin autant d'étincelles sur le sable épais de cet océan qui m'est cher. Qui nous est cher. Assis des heures durant instants mis bout à bout infinités. A moi l'océan miroitant infinitude d'incandescences sur l'étendue grise ou plus bleue selon le ciel qui la dessine. Et me maquiller pour rien comme ça juste devenir jolie sous les poudres bleues pour les yeux le rose pour les pommettes que je n'ai pas bien hautes donner l'impression de me donner l'impression de. Pour rien comme ça et mettre de la crème qui brille un peu sur le décolleté et sur les jambes même si personne ne les voit les paillettes ni même moi. Des paillettes sur les jambes entre les seins que je n'ai jamais eu bien épais au moins ça ne tombera pas. Du parfum aussi du parfum pour l'odeur au passage pas trop juste assez pour laisser trace dans l'air et traverser le froid bien sec de décembre avec le soleil et ces petites fragrances là que l'on respire mieux en hiver parce que l'air est moins chargé moins suffoquant peut-être l'air presque aseptisé de décembre. Et tu ne manques pas. Mon amour. Mon amour. Tu ne manques pas mon amour. Je ne dis pas TOUJOURS moi. Je ne l'ai jamais dit moi TOUJOURS c'est vrai on ne peut pas savoir toi tu dis : « TOUJOURS » et tu ne sais pas plus que moi si nous nous étreindrons encore plus tard et longtemps. Mon amour. Et je pense à toi encore. Peut-être manques-tu un peu alors. Mon amour.

L'horizon se dessine dans leurs yeux confiants ensemble il voient sans doute des images semblables.
NOIR


FIN

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